La piel que habito... un film noir aux folles couleurs
Un grand Pedro Almodovar une fois de plus, mais si, comme à l'accoutumée dans ses films, la couleur cinématographique reste superbement habillée par de subtiles lumières et jeux de saturations, en revanche, le réalisateur livre ici une oeuvre noire aux frontières de la folie...
Robert (Antonio Banderas), un riche chirurgien esthétique qui ne se reconnaît pas de limites à l'éthique, crée une peau transgénique qu'il ne se contente pas d'expérimenter sur l'animal; des évènements tragiques l'affectant personnellement vont l'amener en effet à la perfectionner sur un corps humain, et ce bien sûr en secret, contre l'avis des autorités et au mépris de tout respect.
C'est d'abord le destin horrible de son épouse, transformée en torche vivante à la suite d'un stupide accident de voiture, miraculeusement épargnée de la mort mais contrainte d'habiter désormais un corps totalement défiguré qui va le pousser à chercher les moyens de créer une nouvelle peau humaine destinée à sortir son aimée de son carcan de douleurs et à lui redonner vie.
Mais il n'en aura pas le temps, car les évènements se précipitent ; sa femme décide d'en finir avec ses souffrances l'instant d'après où elle se découvre dans un miroir, sa fille encore enfant se mure alors dans un profond silence et se retranche du monde, un monde qu'on vient à peine de tenter de lui faire redécouvrir, quelques années plus tard, avec un éveil à l'amour qui aboutira à ce qui sera interprété comme une tentative de viol à son encontre et qui constituera le facteur déclenchant d'un processus irréversible entraînant le chirurgien aux confins de la folie dans ses actions d'expérimentation monstrueuses...
Le violeur présumé devient sa proie; à son corps défendant, si je puis dire, il va devenir le cobaye des folles intentions du docteur folamour... jusqu'à en perdre, outre sa liberté, sa totale identité ; Vicente (Jan Cornet), un garçon tranquille va muter contre son gré en Vera (Elena Ayana), une jolie femme charmante mais ténébreuse dont les traits seront finalement ceux de l'épouse disparue que le chirurgien veut faire revivre à travers lui, ou elle...
La suite... il faut aller voir le film, car je réalise que j'en ai déjà trop dit !
Un film étrange qui ne laisse pas indifférent, un film qui interpelle à plus d'un titre :
. sur l'éthique médicale, jusqu'où peut aller le génie de l'homme dans ses manipulations géniques, transgéniques, quelles limites possibles, souhaitables, inenvisageables...
. sur l'identité, comment vivre une vie d'homme dans un corps de femme, fût-il avenant et séduisant,
. sur la liberté, au nom de quoi un savant fou peut-il retenir un humain en captivité et s'exercer sur lui à de folles expérimentations,
. sur les rapports bourreau-victime, pouvant donner l'impression que la relation peut tourner à l'amour...
Un très grand Almodovar donc avec ce film "la peau que j'habite" qui file ses presque 2 heures sans que l'on s'en aperçoive...
Déjà cité ici, Parle avec elle ... un grand film de Pedro Almodovar
Les photos sont extraites du site "AlloCiné" où l'on peut se rendre i c i
L'article est celui de Télérama du 17 août 2011.